Gusteve Caillebotte ( Toits de Paris sous la neige) |
PAYSAGE
Je
veux, pour composer chastement mes églogues,
Coucher
auprès du ciel, comme les astrologues,
E0t,
voisin des clochers, écouter en rêvant
Leurs
hymnes solennels emportés par le vent.
Les
deux mains au mentón, du haut de ma mansarde,
Je
verrai l’atelier qui chante et qui bavarde ;
Les
tuyaux, les clochers, ces mâts de la cité,
Et
les grands ciels qui font rêver d’éternité.
Il
est doux, à travers les brumes, de voir naître
L’étoile
dans l’azur, la lampe à la fenêtre,
Les
fleuves de charbon monter au firmament
Et la
lune verser son pâle enchantement.
Je
verrai les printemps, les étés, les automnes ;
Et
quand viendra l’hiver aux neiges monotones,
Je
fermerai partout portières et volets
Pour
bâtir dans la nuit mes féeriques palais.
Alors,
je revêrai des horizons bleuâtres,
Des
jardins, des jets d’eau pleurant dans les albâtres,
Des
baisers, des oiseaux chantant soir et matin,
Et
tout ce que l’Idylle a de plus enfantin.
L’Émeute,
tempêtant vainement à ma vitre,
Ne
fera pas lever mon front de mon pupitre ;
Car
je serai plongé dans cette volupté
D’évoquer
le Printemps avec ma volonté,
De
tirer un soleil de mon coeur, et de faire
De
mes pensers brûlants une tiède atmosphère.
Charles Beaudelaire (Recueil: Les fleurs du mal)
Honoré Daumier (Le poète dans sa mansarde) |
Matériel sélectionné par Rosalía Montoya
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