Joeps Buijs |
LE BONHEUR
Si tu veux être heureux, ne cueille pas la rose
Qui te frôle au passage et qui s’offre à ta main;
La fleur est déjà morte à peine est-elle éclose,
Même lorsque sa chair révèle un sang divin.
N’arrête pas l’oiseau qui traverse l’espace;
Ne dirige vers lui ni flèche ni filet
Et contente tes yeux de son ombre qui passe
Sans les lever au ciel où son aile volait;
N’écoute pas la voix qui te dit: “Viens” N’écoute
Ni le cri du torrent, ni l’appel du ruisseau;
Préfère au diamant le caillou de la route;
Hésite au carrefour et consulte l’écho.
Prends garde…Ne vêts pas ces couleurs éclatantes
Dont l’aspect fait grincer les dents de l’envieux;
Le marbre du palais, moins que le lin des tentes,
Rends les réveils legers et les sommeils heureux.
Aussi bien que les peurs, le rire fait des rides;
Ne dis jamais : Encore, et dis plutôt : Assez…
Le Bonheur est un Dieu qui marche les mains vides
Et regarde la vie avec des yeux baissés.
Henri de Régnier (1864- 1936), Vestigia Flammae
Matériel selectionné par ROSALÍA MONTOYA
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